Cet article revient sur des travaux que j'ai réalisés en utilisant la facilitation graphique dans le monde du numérique. Il s'inscrit dans une série de posts retraçant les différentes thématiques que j'ai pu aborder en dessins. L'ensemble des thèmes est disponible ici.
Les problématiques liées au numérique interviennent inévitablement dans bon nombre de mes travaux mais en voici quelques uns qui y sont spécifiquement dédiés. À savoir que je consacrerai un post à part entière sur la question des données / de la data.
Le numérique en commun(s)
Pour entrer en matière, il me semble que le résumé dessiné de l'événement numérique en commun[s] dépeint de manière pertinente les enjeux liés au numérique :
Les 3 visuels qui vont suivre sont issues de l'intervention de Pascal Plantard, anthropologue :
Le culture numérique repose sur des imaginaires qui vont forger des représentations pour s'ancrer sur des usages et ensuite se distiller dans des pratiques. Ces pratiques sont incrémentales : on passe d'une dynamique d'innovation à une appropriation progressive qui donne successivement lieu à une banalisation puis une massification. Le numérique n'est pas seulement un outil, ce serait nier tout son volet culturel et anthropologique.
Si le numérique est intrinsèquement culturel, cette culture n'est pas pour autant diffusée de manière homogène. C'est ce qu'on peut constater pour celles et ceux qui se trouvent éloignés du numérique pour différentes raisons. Être né dans le numérique ou baigner dedans depuis l'enfance ne fait pas de nous une personne naturellement compétente : c'est ce qu'on peut appeler le complexe d'Obélix. On peut se trouver éloigné du numérique pour des raisons de manque d'accès, de compétences ou de capacités, tout cela finement entremêlé à la complexité des inégalités sociales et éducatives. La médiation numérique est un élément à déployer pour remédier à ces inégalités, à adapter en fonction des publics et des territoires.
Comme on vient de le voir cet éloignement vis-a-vis du numérique est multifactoriel. Face à cette illusion d'une totale et indolore dématérialisation, on constate des acculturation inégales : le spectre des publics concernés allant des éloignés aux expérimentés en passant par les tenaces et connectés. Le numérique, plus qu'un outil technique, est un outil de mise en scène de soi au service d'une identité narrative et d'une socialisation réapprivoisée. Tout cela fait écho à un besoin fondamental : conquérir son estime de soi et créer du lien avec autrui. À côté de cela, le numérique révèle de nombreux impensés tant au niveau parental qu'éducatif, là encore c'est un processus humain, la disqualification, qui peut entraver l'usage du numérique.
Deux ateliers ont porté sur la thématique de la santé, un champ de plus en plus impacté par le numérique :
Le numérique peut être formidable levier au service de l'identification des patients, de la continuité du parcours de soin avec une centralisation et une mutualisation des informations ainsi qu'avec une fluidification des échanges. Cela soulève des enjeux de sécurisation des données et de fiabilisation mais si le dispositif tient ses promesses, il permet de rendre l'usager acteur de son parcours de santé et apporte un gain de temps aux professionnels de santé.
Le numérique peut se mettre au service non seulement de la santé physique des personnes mais également de leur santé psychique et sociale. Vecteur de lien, l'informatique peut être perçu comme un moyen pour provoquer des rencontres et maintenir le lien, notamment pour des personnes âgées et / ou en situation de handicap.
Le secteur de l'emploi et de la formation a également tout intérêt à tirer profit du numérique :
Bien pensé et implémenté, le numérique peut aider à compenser des handicaps et lever des obstacles. Ainsi, il peut non seulement être vecteur d'inclusion mais aussi d'employabilité. Encore une fois, l'humain n'est jamais loin et la mise en confiance et personnalisation des dispositifs au cas par cas est essentielle.
Dans un cadre professionnel, l'usage du numérique peut poser question quant à sa posture et à l'image qu'on peut renvoyer :
Nos identités numériques sont non seulement plurielles mais également intriquées. Si des frontières théoriques peuvent être dessinées, la réalité nous rattrape pour constater leur porosité. Les usages personnels en viennent à se confondre avec les usages professionnels, de même pour le temps dit professionnel et personnel. La meilleure ligne de conduite semble d'assumer nos traces numériques : les pseudos et comptes anonymes ont des limites et ne protègent pas totalement.
Pour finir, le dernier champ exploré est celui de l'administration :
La promesse de dématérialisation peut être séduisante mais la mise en pratique amène parfois quelques difficultés et écueils. Pour améliorer l'administration en ligne de manière effective, quatre axes ont été évoqués : s'articuler avec un accompagnement humain, créer des services inclusifs, penser les usagers comme des experts et systématiser le repérage des dysfonctionnements pour entretenir une démarche d'amélioration continue. Pour résumer l'état d'esprit préconisé : ce n'est pas l'usager qui est déficient, il s'agit de déficiences à corriger. Encore une fois, l'enjeu est de dématérialiser sans deshumaniser.
Les nouvelles règles du numérique
Le numérique bouleverse toutes les sphères de la société et les entreprises doivent également de gré ou de force s'adapter. C'est sur ce constat que s'appuie TheFamily dans cette journée de conférences et d'ateliers dispensée au groupe Airbus en septembre 2014 :
Le futur est par définition volatile, incertain, complexe et ambigu. Une tendance se dégage néanmoins : la révolution digitale et la "dataïsation" (pardonnez l'anglicisme, il était trop tentant !) de nos vies dans la santé, la mobilité, le logement, l'énergie, le divertissement et j'en passe. La data s'empare des espaces qui nous entourent, de notre corps et même de nos comportements ! Les secrets, c'est du passé, tout est dataïsé.
L'industrie aussi c'est fini, maintenant on parle d'industrie 4.0 :
L'industrie 4.0 articule la stratégie, l'organisation et la technologie avec comme leviers la localisation, la collaboration, l'innovation et la place de l'homme. Et oui, même avec des technologies toujours plus pointues, la place de l'humain prime toujours et encore plus !
Et au final, si technologie il y a, c'est bien qu'il y a eu un humain qui l'a conçue au départ. Qui dit humain dit (potentiellement) erreur. Raison de plus pour se pencher sur les dessous de la technologie :
Cette question de la faillibilité et de l'erreur numérique soulève presque des questions philosophiques. Le droit à l'erreur finit d'ailleurs par devenir une forme de résistance !
Les problématiques du numérique, édition spéciale Web2Day
En tant que Nantaise (d'adoption), comment vous parler de numérique sans parler du Web2day ? J'ai assisté à une conférence via le live lors de l'édition 2017 (avant de venir m'installer à Nantes) pour ensuite avoir le plaisir d'assister aux éditions 2018 et 2019. En voici quelques notes dessinées :
Lors de l'édition 2017, Cyril de Lasterye proposait une intervention sobrement intitulée "sauver l'humain ?". Il y évoquait des changements extrêmes dans nos vies et un retour à l'essentiel :
Lors de l'édition 2018 se mélangeait l'utopie numérique, le coworking et les tiers-lieux, la survie numérique, les nouvelles formes de mobilités, le freelancing, l'inclusion professionnelle, le code, les assistants personnels et même l'informatique quantique :
Lors de l'édition 2019 se sont cotoyés l'impact positif des entreprises, les mouvements contestataires sur internet, le futur de la consommation et le futur des transports :
Les entreprises ont aujourd'hui un pouvoir de transformation à la fois environnemental et sociétal. L'impact positif des entreprises peut être utilisé à la fois comme outil de gestion et de communication, ce qui suppose deux logiques totalement différentes : une réelle vision ou au contraire un "impact washing" opportuniste.
Les mouvements contestataires sur internet sont-ils des contre-pouvoirs ou une dérive ? La réponse n'est pas si simple : le numérique est une fabuleuse opportunité pour fédérer mais aussi un terrain potentiel d'hostilités (diffamation & fake news, (cyber-harcèlement), manipulation ou encore incitation à la haine).
Les crises (environnementale et de confiance) alliées au pouvoir de la technologie nous amènent à nous orienter vers une consommation plus responsable. On a tendance à ne plus connaître le vrai prix d'un produit et à discerner ce qu'il se cache derrière (coût environnemental, coût social, obsolescence programmée...) mais business et impact sont loin d'être incompatibles !
Le futur des transports navigue entre fantasme et réalité avec des rêves -entre autres- l'hyperloop; les voitures autonomes, les drones de passagers ou encore la téléportation confrontés aux possibilités techniques et au caractère réellement souhaitable de cette mobilité futuriste tant au niveau social qu'environnemental.
Le numérique, un enjeu d'accessibilité
La réflexion autour du numérique s'accompagne aussi de réflexions autour du social et de l'accessibilité et l'accès aux droits :
Cette question a été abordée lors du temps fort des solidarités organisés par la ville de Brest et le département du Finistère avec deux structures sur cette thématique : le centre socioculturel du Pays de Lesneven Côtes des Légendes et le Centre des Abeilles de Quimper.
L'objectif du centre socioculturel du Pays de Lesneven Côtes des Légendes est de réduire la fracture numérique en favorisant l'accès aux outils et aux usages et ce, depuis 2008. Le centre propose un accompagnement numérique, des ateliers seniors et des coups de m@ins numérique, le tout pour maximiser le pouvoir d'agir des habitants. Ce dernier dispositif, les coups de m@ins numérique, fonctionne par inscription et est encadré par une charte de l'accompagnant. L'accompagnement se veut qualitatif avec 2 bénévoles pour 4 participants. L'idée est de prendre le temps, de favoriser l'empathie en se concentrant sur des problèmes concrets à régler et des besoins précis des participants. L'objectif est d'être au plus près des habitants et de rediriger si besoin vers d'autres structures aux compétence complémentaires.
Le centre des abeilles offre une distribution gratuite d'ordinateurs sous licence libre. Cette structure vise ainsi plusieurs objectifs : lutter contre l'obsolescence programmée, réduire les déchets, lutter pour la vie privée et lutter contre la précarité, le tout dans un soucis d'équité. L'association récupère dans un premier temps les machines, les reconditionne avec une distribution linux puis les distribue auprès de personnes ou associations, sans justificatif. En 10 ans, ce sont plus de 2500 ordinateurs qui ont ainsi été reconditionnés et redistribués !
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