Cet article revient sur des travaux que j'ai réalisés en utilisant la facilitation graphique dans le monde du handicap. Il s'inscrit dans une série de posts retraçant les différentes thématiques que j'ai pu aborder en dessins. L'ensemble des thèmes est disponible ici.
☕️ Attention, cet article est long (et encore j'ai fait une sélection). J'aime bien bavarder, prenez donc un thé !
Cet post fait suite à un article sur la santé et va spécifiquement se pencher sur la question du handicap. Nous allons d'abord définir ce qu'est le handicap pour ensuite prendre l'exemple de l'autisme pour étudier les différentes structures adaptées à des problématiques de handicap et enfin voir comment les politiques handicap peuvent s'incarner en entreprise et à l'université.
Le handicap, qu'est-ce que c'est ?
Pour introduire le sujet, commençons par le définir avec quelques visuels réalisés lors d'ateliers menés avec la mission handicap de Disney :
Le handicap c'est avant tout un mot qui fait peur, encore aujourd'hui. Il peut se définir comme la manifestation d'une incapacité mais cette prétendue incapacité peut également être perçue comme une richesse, une force et une façon de faire autrement.
Attention à ne pas vous méprendre avec le célèbre pictogramme représentant une personne en fauteuil et souvent associé au handicap, le plupart des handicaps (8 sur 10) sont invisibles. Cette invisibilisation du handicap permet aux personnes concernées d'avoir le choix de le passer ou non sous silence. Le fait que le handicap puisse ne pas être manifeste entraine potentiellement une moins bonne compréhension de la situation pour l'entourage plus ou moins proche de la personne concernée. Cette moins bonne compréhension peut engendrer moins d'écoute voire dans le pire des cas des suspicions quant à la véracité du handicap.
Le handicap ne peut totalement se définir en tant que tel, il est avant tout situationnel. C'est la situation qui créé le handicap, c'est pourquoi on préfère parler de situation de handicap plutôt que de simple handicap. Une situation handicapante pour une personne va l'amener à développer des stratégies de compensation afin d'atteindre, à sa manière, son objectif.
Parmi les handicaps invisibles, on retrouve les maladies chroniques qui peuvent varier énormément dans le temps et qui peuvent donc être moins bien comprises par l'entourage qu'une maladie aiguë. Dans les deux cas, la situation invalidante doit être reconnue car un handicap reconnu, c'est aussi reconnaître des besoins spécifiques et donc adapter la situation en conséquent.
Dans le cadre professionnel, cette reconnaissance peut passer par la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) délivrée par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Dans certains cas, la demande de RQTH (cette reconnaissance se fait uniquement par demande de la personne concernée) n'est pas nécessaire notamment lorsque de l'IPP (Incapacité Permanente Partielle) est suffisante. La prise en charge d'une situation de handicap est bien encadrée dans un contexte professionnel et privé (avec notamment les services sociaux) mais on est parfois confrontés à une zone grise se situant entre ces deux sphères. On raisonne alors au cas par cas pour savoir trouver des solutions hybrides.
L'autisme un handicap parfois invisible
Malgré la diversité des troubles et les capacités d'insertion sociale très variables des personnes concernées (on parle de troubles du spectre autistique plutôt que d'autisme), l'autisme est reconnu comme un handicap. J'ai pu assister à des sessions de travail sur l'autisme organisées par l'Agence Régionale de Santé Pays de la Loire.
Un des enjeux de la prise en charge de l'autisme et des handicaps en règle générale, c'est leur prise en charge précoce, dès le plus jeune âge :
Le manque de prise en charge vient souvent de plusieurs facteurs : les capacités de repérage variables accompagnées d'inégalités territoriales, les délais d'attente souvent trop longs avec un manque d'harmonisation des interventions, le manque de légitimité des parents à exprimer leurs inquiétudes ainsi qu'une mauvaise connaissance du réseau de professionnels autour de l'autisme.
Pour palier à tous ces problèmes, trois action prioritaires ont été définies : clarifier les rôles, fonctions et compétences de chacun, travailler sur l'articulation et la coordination de ces différentes compétences et enfin améliorer le parcours avant et après diagnostic. La clarification des rôles, fonctions et compétences va ainsi permettre une meilleure vision de l'offre de soin et du réseau des professionnels pour in fine garantir une prise en charge coordonnée et individualisée basée sur des bilans réguliers.
Une autre difficulté rencontrée pour les porteurs de troubles du spectre autistique, c'est le manque de continuité de prise en charge dans la transition ado > adulte. Pour répondre à cette problématique, deux groupes de travail ont été formés, l'un traitant de cas sans déficience intelligence et l'autre avec :
Les deux cas, avec ou sans déficience intellectuelle, se rejoignent sur un manque de ressource sur les questions de l'adolescence avec un sujet sur la continuité de parcours. Il s'agit tout d'abord d'optimiser l'existant plutôt que d'ajouter des dispositifs supplémentaires amenés à complexifier d'autant plus l'offre existante. Comme toujours, il faut garder en tête que l'aide humaine prime sur les dispositifs et les process.
Dans le cas de l'absence de déficience intellectuelle, on retrouve la problématique de handicap invisible qui rend sa prise en compte difficile.
Des structures adaptées pour des besoins particuliers
Comme on a commencé à le voir, les besoins liés au handicap sont très variés suivant le type de handicap concerné et l'âge de la personne. Pour les prendre en charge, différentes structures existent et parmi elles les SESSAD (Services d'Éducation Spécial et de Soins à Domicile) et les entreprises adaptées.
J'ai assisté aux journées nationales des SESSAD 2018 où on a pu entrevoir l'avenir des SESSAD tout en échangeant sur les troubles neurodéveloppementaux, sur la place du numérique dans le travail social, la place des parents et l'intervention précoce :
J'ai également pu explorer le monde des entreprises adaptées à l'occasion des 30 ans de l'UNEA (Union Nationale des Entreprises Adaptées) :
Enfin, j'ai pu affiner la thématique du travail adapté lors de la quatrième rencontre handicap / entreprises du médicaments portant spécifiquement sur les achats responsables (vous y retrouvez notamment dans le quatrième visuel une collection de jargon qui y était intentionnellement étalée !) :
Les accords handicap en entreprise
Comme nous venons de le voir, de nombreux dispositifs existent. Les entreprises de plus de 20 salariés ont une obligation d'emploi de travailleurs handicapés et certaines cherchent à manifester une attitude volontariste à ce sujet. On peut notamment prendre l'exemple de RTE à l'occasion du forum "Connexion Handicap !" qui s'est tenu pour la deuxième édition le 19 septembre 2019 :
Lors de cet événement, il était question de faire un bilan mi-parcours du l'accord handicap 2018-2020 mais aussi d'échanger sur les différentes pratiques du groupe en région. Enfin, il s'agissait de réfléchir et d'échanger à de nombreuses thématiques liées au monde du handicap et de celui de l'entreprise : le parcours de découverte et d'intégration facilité en entreprise, le recrutement et la sensibilisation, la déclaration RQTH et le maintien dans l'emploi et la lutte, de la manière générale contre les stéréotypes.
Voici également un résumé dessiné de la démarche et des accords handicap du groupe BPCE :
Les accords handicaps sont dans la lignée de la charte diversité et il s'agit actuellement des 5ièmes accords qui cherchent à la fois à consolider et à amplifier les mesures et à donner des priorités d'actions.
Ces accords s'articulent sur 4 axes : le maintien dans l'emploi et l'employabilité, l'accès à l'emploi, le soutien au Secteur du Travail Protégé et Adapté (le STPA) et de manière générale une poursuite du changement de regard par rapport au handicap. Les objectifs sont chiffrés : l'ambition est d'avoir un taux d'emploi de 6 % pour les Caisses d'Épargne et 4,9 % pour les Banques Populaires, de recruter a minima 180 personnes pour les Caisses d'Épargne et 200 personnes pour les Banques Populaires et de constater une augmentation de 10 % de CA utile confié au STPA, tout cela d'ici fin 2022. Pour ce faire, 3 différents niveaux opèrent ensemble : la mission handicap groupe pour le pilotage global, le comité de pilotage pour l'élaboration du plan d'action et enfin les référents handicap pour la mise en oeuvre opérationnelle.
On a pu voir qu'un des axes des accords handicap entreprises est le maintien dans l'emploi. Ce maintien dans l'emploi n'est pas toujours possible et on va alors chercher à assurer un maintien en emploi, c'est-à-dire potentiellement à un poste ou métier différent. C'est cette démarche de maintient en emploi que j'ai cherché à illustrer lors d'une table ronde organisée par l'Agefiph :
Cette démarche de maintien en emploi se décompose en 5 grandes phases : la détection précoce de la situation, le diagnostic, la recherche de solutions, la mise en oeuvre de la solution et le suivi. Ces différentes étapes se font à travers différents acteurs : le salarié, l'entreprise, le service de santé au travail, Cap Emploi, le service social de l'assurance maladie et l'Agefiph.
Le schéma directeur du handicap à l'université
Revenons aux enjeux liés au handicap sous différentes strates avec la focale de l'université :
Si on reprend stricto sensu l'article L.114 de la loi n°2005-102 du 11 février 2005, le handicap est défini comme la "limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société, subie dans son environnement par une personne, en raison d'une altération [...] d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychologiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant".
Aujourd'hui, 9,6 millions de personnes sont en situation de handicap en France. Parmi elles, 15 % sont porteuses d'un handicap de naissance et 2 à 3 % sont en fauteuil (je le répète ici mais 80 % des handicaps sont invisibles !). Tout au long de leur vie, ce sont 20 % des français qui seront touchés par un trouble psy.
La notion de handicap peut s'appréhender à différents niveaux : celui de la société (avec des enjeux éthiques et des enjeux économiques), des institutions (médicales, sociales, scolaires et professionnels), de l'établissement (au niveau de la stratégie, des ressources et de la mise en oeuvre), du groupe social et enfin de la personne.
Avec Nantes Université, un premier état des lieux des pratiques a pu être établi :
L'état des lieux a porté autant sur l'accessibilité de l'environnement d'études et professionnel (à travers l'accessibilité physique et numérique et sur l'accompagnement étudiant et du personnel) que sur la sensibilisation et la formation au handicap et à l'inclusion avec 4 axes : informer, sensibiliser, former et communiquer.
Une fois cet état des lieux dessiné, des perspectives d'amélioration ont pu être appréhendées :
Ces perspectives se sont déclinées sous deux volets : favoriser les parcours de réussite (partager les connaissances en matière d'accessibilité, développer les ressources en matière de compensation, accueillir, accompagner, orienter ainsi qu'évaluer et diplômer) et développer les ressources et accompagnement (accompagner les projets professionnels, accompagner les personnes face à un problème de santé, accompagner les responsables de services et managers et favoriser l'inclusion).
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