LA FACILITATION GRAPHIQUE ET L'INCLUSION

· Mes travaux

Cet article revient sur des travaux que j'ai réalisés en utilisant la facilitation graphique dans le champ des discriminations et de l'inclusion. Il s'inscrit dans une série de posts retraçant les différentes thématiques que j'ai pu aborder en dessins. L'ensemble des thèmes est disponible ici.

J'aurais pu orienter cette partie autour des discriminations, j'ai préféré la faire graviter autour d'une finalité plus positive, celle de l'inclusion. Je vais d'abord m'intéresser à la catégorisation sociale, pour ensuite pousser quelques propositions pour dépasser l'âgisme, le genre et les vulnérabilités de manière générale.

Dépasser la catégorisation sociale

J'ai eu le plaisir d'aborder avec le programme SEVE emploi, différents volets autour de la catégorisation sociale.

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Nous faisons toutes et tous des raccourcis (quand je dis "nous", ça veut dire au niveau individuel et au niveau collectif, notamment dans les médias).

Pour éviter la surchauffe et permettre de jongler entre les informations, le cerveau va chercher à catégoriser. La catégorisation, c'est un ensemble de processus pour organiser l'environnement en catégories. Et quand les catégories concernent les personnes, ça s'appelle la catégorisation sociale.
 

Les stéréotypes s'appuient sur la catégorisation sociale pour y associer des croyances partagées aux caractéristiques personnelles d'un groupe d'individu. Comme pour la catégorisation, on va chercher à simplifier et inévitablement à généraliser.

La catégorisation n'est ni bonne ni mauvaise en soi, elle est d'abord fonctionnelle : elle va permettre d'identifier, d'ordonner, de donner du sens, de prédire et surtout d'éviter une remise en question permanente de nos apprentissages. C'est un outil descriptif et pas forcément un jugement.
Ce procédé n'est malheureusement pas sans incidence quand il s'agit de l'appliquer aux personnes. Le risque est d'accentuer artificiellement les ressemblances entre les individus d'un même groupe dans une logique d'uniformisation et d'accentuer tout aussi artificiellement les différences avec les individus d'un autre groupe dans une logique de distinction, ce qui va avoir pour effet de créer un clivage entre ces 2 catégories de personnes.
On constate que la catégorisation peut par sa construction être source d'erreur. Les impressions peuvent facilement l'emporter sur les faits. Et autant dire que l'évaluation au doigt mouillé est rarement justifiée. Cela peut donner une mauvaise appréciation des situations et des actions.

Enfin, l'erreur fondamentale d'attribution peut donner encore plus de poids à la catégorisation sociale. En effet, dans une situation donnée, nous avons tendance à surestimer les causes internes (personnalité, intentions, efforts, réels ou fantasmés) et à sous-estimer les causes externes (situations, événements, entourage social).

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Après avoir détaillé ce qu'il se tramait derrière la catégorisation et les stéréotypes, je vous propose d'appréhender les limites et les biais de la catégorisation sociale.

SEVE emploi, avec qui j'ai travaillé pour ces visuels, s'intéresse au retour à l'emploi et c'est donc notamment sur ce volet que la catégorisation a été analysée.
 

On pourrait penser que toutes les catégories et étiquettes se valent. Il n'en est rien.

Si on prend 2 catégories de personnes, à savoir les chef·fes d'entreprise et les demandeur·euses d'emploi, il se dégage un imaginaire "réflexe" fondamentalement différent, notamment en cas de difficultés.
Lorsqu'un·e chef·fe d'entreprise rencontre des difficultés, on va plus facilement invoquer des causes externes ("c'est la crise !", "la conjoncture n'est pas favorable", "le secteur est en tension"...) et donc fatalement si la personne se retrouve dans cette situation, c'est que la chance lui manque !
Mais de panique, cette personne saura "naturellement" rebondir et saisir les opportunités. On suppose par défaut sa compétence à transformer cette situation hostile.
Lorsqu'un·e demandeur·se d'emploi rencontre à son tour des difficultés, le discours change et se retourne contre la personne. Elle est alors perçue comme étant responsable des difficultés qu'elle doit surmonter. La cause est d'ailleurs toute trouvée : il s'agirait d'une question de volonté ou plutôt de manque de volonté. La solution : faire des efforts et trouver de la motivation (la personne n'étant pas supposée comme n'étant pas motivée pour se trouver dans cette situation). En considérant que la personne n'a pas les ressources pour dépasser cette situation, on va chercher à l'aider à construire son projet professionnel.
Lorsqu'on met ces 2 situations face à face, cela peut paraître exagéré mais ces représentations sont malheureusement bien présentes et persistantes. Notre cerveau a tendance à faire de la résistance et à développer des stratégies de maintien de nos représentations.

C'est sacrément confortable de s'envelopper dans nos croyances et de voir le monde (et les personnes) à travers le biais de confirmation. Veillons toutefois à pratiquer régulièrement cette gymnastique cognitive qui consiste à penser contre soi-même.

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En ce concerne le retour à l'emploi, la catégorisation peut surtout être dépassée par la mise en action. Il s'agit dans un premier temps de raisonner et d'échanger autour de faits.

Le fait de décrire une situation permet d'éviter d'interpréter et d'être victime de biais. Les constats, pour être valables, doivent pouvoir être précis, concrets et mesurables.

Ensuite, la rencontre est centrale dans le dépassement de la catégorisation. Elle permet d'enrichir son expérience et de faire tomber les préjugés. À la rencontre de l'autre, il est nécessaire d'orienter son attention sur les qualités de l'autre : valoriser permet d'alimenter une représentation positive.

Dépasser l'âgisme

Les catégorisations sont nombreuses et une de celle dont c'est difficile d'échapper, c'est l'âgisme.

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L'âgisme s'appréhende à différents niveaux :

En premier lieu, on peut être âgiste, consciemment ou inconsciemment, envers soi-même : c'est l'auto-âgisme. L'âgisme va modeler nos pensées et structurer nos comportements. Vous avez, le fameux "oh, je suis trop vieux / vieille pour ça !" ou son équivalent "c'est pas / plus de mon âge !". Cela donc va aussi inévitablement modifier nos comportements avec les autres.
Vient ensuite le deuxième type d'âgisme : l'âgisme inter-personnel. Ce dernier peut se décliner en 2 volets : un âgisme passif (infantilisation, vulnérabilité supposée), et un âgisme actif (mépris et comportements plus ou moins hostiles, en tout cas conditionnés).

Enfin, le dernier type d'âgisme se situe à niveau structurel, il s'agit de l'âgisme institutionnel. Il se place dans un discours prônant la performance et dans une logique binaire opposant fondamentalement la jeunesse et la vieillesse. L'âge y apparaît comme étalon et se voit corrélé à la valeur d'une personne.

Évidemment, tous ces niveaux d'âgisme s'imbriquent, s'intriquent et s'alimentent mutuellement. Nous sommes toutes et tous âgistes, à nous d'avoir un regard lucide et éclairé sur l'incidence de notre âge sur notre rapport au monde.

L'âgisme se trouve partout dans la société mais aussi en entreprise, comme on peut le constater dans ce visuel reprenant des interventions autour de la thématique "se valoriser et valoriser les collaborateurs et collaboratrices senior" :

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Un des écueil peut être de dépeindre LE senior au singulier. L'âge ne définit pas une personne et il est important de rendre compte de la pluralité des seniors et des enjeux de fin de carrières qui leur sont associés. Certains souhaitent continuer à s'investir, d'autres cherchent à accélérer leur carrière ou à transmettre des connaissances tandis que d'autres aspirent plutôt à préparer leur retraite.

Dépasser le genre

Si l'âge nous concerne toutes et tous à un moment de notre vie, le genre peut avoir tendance à nous toucher différemment. On peut avoir l'impression de ne pas être affecté si on correspond et on se conforme aux stéréotypes de genre. La diversité des genres fait toutefois son chemin et des universités comme celle de Lyon cherchent à réfléchir à l'accueil et l'accompagnement des personnes trans :

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Les genres sont multiples et tous légitimes. Le genre peut se conjuguer au pluriel pour un même individu : entre genre ressenti, attirance romantique et/ou sexuelle, genre assigné à la naissance et expression de genre, beaucoup de combinaisons sont possibles.

C'est lorsque le genre ressenti est différent du genre assigné qu'on parle de personne trans. Il n'y a pas de parcours type pour transitionner. On peut se découvrir trans à tout âge et la dysphorie n'est pas systématique. On transitionne car on est et pas pour le devenir. Concernant la transition administrative, elle peut passer par un changement de prénom et un changement d'état civil, même si des modifications de documents sont légalement possibles sans ces changements.

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Pour accueillir et accompagner des personnes trans à l'université, on peut à la fois penser en termes d'environnement et d'interactions.

La meilleure façon d'apprendre n'est pas de supposer mais bien de s'informer et le mieux, c'est de le faire auprès de ressources communautaires : écoutons les personnes concernées ! Cela pourra nous éclairer et nous permettre de prendre conscience de nos représentations et comportements. Ensuite, à un niveau individuel, le respect est de mise, comme pour chaque personne. Il s'agit de respecter le prénom, pronoms et genre de la personne, tout en veillant à ne pas l'outer et à ne pas la mettre dans des situations inconfortables. Si on ignore le genre d'une personne et que son genre a une réelle utilité dans la situation (c'est loin d'être toujours le cas), on peut donner ses pronoms et accords et ensuite inviter la personne à le faire à son tour. Les questions intrusives sont à éviter afin de respecter l'intimité de la personne. La généralisation est également à proscrire car elle nie l'individualité des personnes. Enfin, il est important de pouvoir dénoncer la transphobie dont on est témoin au quotidien.

Pour aller plus loin que les interactions inter-personnelles, l'environnement peut être pensé pour être le plus accueillant possible. Même si on peut être informé, la meilleure personne pour informer de ses propres besoins, c'est elle-même. On ne doit donc pas présumer des besoins, qui sont propres à chaque personne. Par ailleurs, les civilités ne servent pas à grand chose, si ce n'est souligner encore plus le genre. On peut donc tout à fait les supprimer et ajouter un supplément d'enthousiasme à l'oral. De manière générale, une réflexion doit être faite pour prendre en compte la transphobie sur la santé mentale. Les personnes trans doivent pouvoir se sentir incluses et représentées tout au long de leur formation : à travers des formations du personnel mais aussi grâce à une prise en compte des personnes trans dans les contenus pédagogiques. Au niveau personnel, un grand nombre de documents peuvent être modifiés avant toute démarche officielle, autant faciliter la vie des personnes concernées (et mégenrées !).

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Dégenrer la langue peut paraître compliqué mais il suffit parfois de penser en termes d'action et non de personne : la forme passive a l'avantage de ne pas genrer.

 

L'exemplarité est de mise mais la légèreté aussi : on peut évidemment faire des erreurs, l'essentiel c'est de se corriger et de ne pas s'y éterniser. La souplesse est également un élément important : en se plaçant une logique d'accueil, on exprime sa confiance envers l'autre et on lui accorde toute la légitimité qu'il ou elle mérite.

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Un environnement confortable, c'est aussi le fait de laisser de la place à l'autre pour s'affirmer pleinement. C'es se positionner comme personne ressource, à l'écoute des personnes concernées.

Enfin, Nantes Université a esquissé les prémices d'un plan d'action de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et les LGBTQIA+phobies :

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La lutte contre les VSS et les LGBTQIA+phobies s'articule sur plusieurs plans : la politique d'établissement contre les VSS, le suivi de l'évolution des VSS, la formation et la sensibilisation pour toutes et tous, le traitement et suivi des signalements, les conditions d'études des personnes LGBTQIA+ et l'implication des associations étudiantes.

Dépasser les vulnérabilités

Pour ouvrir sur ce sujet, l'un des enjeux de l'inclusion, c'est de réduire les situations de vulnérabilité. Ce ne sont les personnes qui sont vulnérables en soi mais la société qui créé et entretient des situations de vulnérabilité. Le sujet des vulnérabilité était le sujet de la journée de la recherche de l'université Rennes 2 en juin 2023 :

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Nous sommes au carrefour de différentes crises (économiques, sociales, politiques, environnementales) qui créent ou entretiennent différentes formes de vulnérabilités. Pour y faire face et aux fragilités qu'elle engendrent, le lien a un rôle déterminant.

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Les travaux de recherche présentés se sont penchés sur la protection de l'enfance, l'accès aux lieux d'accueil social en milieu rural et les maladies chroniques à incidence respiratoire. Les vulnérabilités ont pu être perçues sous le prisme de l'âge, de l'environnement géographique et de la mobilité spatiale ainsi que la santé et des lieux de vie.

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Les vulnérabilités ont également pu être appréhendées au niveau de la société avec des recherches autour des personnes en situation d'obésité, de l'intersection femmes et handicap et du burnout.

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Les espaces publics constituent en eux-mêmes des facteurs de vulnérabilité. Ils interrogent sur la distance imposée à l'autre, sur notre rapport à l'altérité et à l'engagement.

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La vulnérabilité n'est pas une fatalité. La prévention joue un rôle important pour pouvoir l'éviter. Des dispositifs relatifs à l'accompagnement des proches endeuillés par suicide et relatifs à la prévention du suicide peuvent aider à surmonter des moments de fragilité.

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Enfin, les solidarités peuvent constituer un rempart aux vulnérabilités. À travers les exemples de microcrédit social et du mémorial vivant virtuel, on peut constater la diversité de dispositifs qui agissent comme une aide à la résilience.

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